Accueil > Documents parlementaires > Propositions de loi
La version en format HTML, à la différence de celle en PDF, ne comprend pas la numérotation des alinéas.
Version PDF
Retour vers le dossier législatif

N° 3687

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 juillet 2011.

PROPOSITION DE LOI

visant à lutter contre la pornographie,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Christian VANNESTE, Marcel BONNOT, Louis COSYNS, Cécile DUMOULIN, Jean-Pierre DUPONT, Franck GILARD, Dominique LE MÈNER, Lionnel LUCA, Guy MALHERBE, Christian MÉNARD, Alain MOYNE-BRESSAND, Didier QUENTIN et Michel ZUMKELLER,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Internet représente un moyen de communication permettant d’avoir accès à un nombre d’informations quasi illimité à domicile. C’est donc la porte ouverte à toutes les réalités du monde représentées de manière virtuelle. Mais contrairement au monde réel, l’accès aux informations ne nécessite pas de démarches personnelles concrètes, longues, progressives et réfléchies. Tout s’y passe dans l’immédiat, dans la facilité, dans l’exhibition. La publicité y advient de manière intempestive à l’image de toute autre forme de promotion.

C’est alors que toute tentation est aussi immédiatement accessible et ses perversités se font plus rapidement sentir. C’est le cas des tentations sexuelles auxquelles répond le marché de la pornographie.

La pornographie, sans limite, envahit les foyers par le moyen d’internet et s’insère de manière pernicieuse dans la vie de nombreux jeunes. La majeure partie ne cherche pas à y avoir accès a priori, mais se trouve face à des images et des vidéos qui ne correspondent pas à leur recherche. Ces images sont courantes, et donc banales. Elles poussent à démystifier ce type d’information pour en faire des biens de consommation innocents et souvent socialement acceptés, voire socialement valorisés.

Rapidement la pornographie devient une consultation régulière pour une personne qui en avait entendu parler et qui va à son tour banaliser cet acte vis-à-vis de ses proches. Ce phénomène, connu ainsi que ses travers moraux, sont dénoncés par certains partis politiques.

L’objet de cette proposition de loi vise à dénoncer la dépendance psychologique, physique et psychique que la pornographie peut engendrer ainsi que les conséquences visibles qu’elle peut avoir sur la vie d’une personne.

La pornographie, si elle s’étend de manière silencieuse, s’introduit surtout de manière massive dans la société, affectant toutes les classes d’âges. Ce qui est alarmant, c’est qu’elle en vient à toucher non plus seulement de jeunes adolescents, mais aussi des enfants. Ces derniers savent déjà se servir d’internet et des réseaux sociaux alors même qu’ils apprennent à écrire. Et leur cerveau comme leur esprit critique se construit à partir de ce qui est virtuel et pas nécessairement destiné à tous.

C’est un peu comme si toute la réalité du monde, à travers toutes ses dimensions, était exposée aux enfants sans étape préalable, sans ordre, sans explication, sans morale quelconque. Les enfants vont se trouver confrontés à un ensemble d’informations destinées en grande majorité à un public adulte.

Se construisant à partir de la consultation de la pornographie, ils ne pourront que difficilement se confronter sainement aux différentes étapes de la vie : celle de devenir responsable vis-à-vis des autres, de fonder une famille, de manifester un équilibre et une stabilité nécessaires pour exercer une profession.

Le problème est ainsi psychologique mais aussi d’ordre médical. Il s’érige en véritable question de société lorsqu’on se fie aux chiffres relatant l’importance prise par les sites pornographiques sur internet. On estime qu’aujourd’hui 80 % des adolescents ont déjà visionné des films pornographiques dont un enfant de dix ans sur trois. De manière globale, le mot clef le plus tapé dans les moteurs de recherche est « sexe ».

Or, un enfant de 6 à 7 ans (comme on en rapporte beaucoup de cas) qui visionne une scène pornographique pouvant inclure des pratiques sadomasochistes, manifeste des troubles similaires à ceux qui adviendraient s’il avait subi un abus sexuel (perte du sentiment d’exister – de l’estime de soi – ambivalence – mort intérieure).

La personne est ainsi déstabilisée dès son plus jeune âge et on assiste à l’émergence d’une nouvelle frange de population : celle des dépendants sexuels. En effet, à l’image de toute drogue, la personne en vient à demander toujours plus au niveau sensationnel au fur et à mesure qu’elle en revient à la vision de ces sites année après année.

Les images pornographiques provoquent la sécrétion de plusieurs types d’hormones. Elles peuvent être considérées comme la cause d’une véritable pathologie qui mène à des désordres et des dysfonctionnements graves : à la suite des familles se brisent, des emplois sont perdus, des ménages s’appauvrissent et la délinquance sexuelle augmente.

Cette dépendance engendre aussi chez la personne honte et culpabilité jusqu’à détruire la vie intérieure de ceux qui en deviennent prisonniers.

Par exemple, les jeunes adolescents vont considérer alors les filles comme exclusivement des objets sexuels auprès desquelles la pornographie leur suggère d’exploiter leurs fantasmes. Les agressions sexuelles entre mineurs sont en très grande augmentation (cf. l’affaire de viol collectif d’une jeune fille à la gare de Lyon-Part-Dieu en mai 2011, devant des centaines de personnes de passage).

Il faut prendre en compte devant ce danger de la pornographie, l’appel à l’aide de nombreux jeunes ayant 15 années de porno-dépendance derrière eux et qui manifestent à présent des signes importants de dépression.

Il est aussi important de souligner que d’après une étude de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) menée par Marie Choquet en 2004, la propension des filles à faire des tentatives de suicide est multipliée par deux lorsqu’elles regardent assidûment des images X.

La France ne peut se permettre de reléguer ce problème au second rang et laisser ses effets se propager dans la société et s’étendre sur le long terme. Nous devons à l’image de nos voisins proposer un moyen de lutte contre la porno-dépendance et plus largement contre l’accès à la pornographie pour les jeunes.

Face à ce que l’on peut désormais qualifier de fléau, les solutions susceptibles de modérer la consultation de la pornographie manquent de fiabilité. Le député britannique Claire Perry, qui milite au Royaume-Uni contre un libre accès pour les jeunes à la pornographie, en soulignant les limites du contrôle parental dont il apparaît que seuls 15 % des parents savent l’utiliser, propose de bloquer par défaut l’accès aux sites à caractère pornographique : tout contrat pour une connexion à internet ne pourrait admettre ces sites qu’après une demande explicite du contractant. Cette demande figurerait donc comme l’une des clauses de ce contrat.

Ainsi, le contrôle parental deviendrait inutile, car les parents, sensibilisés à ce problème et généralement conscients de ce qu’il représente pour leurs enfants, pourraient profiter d’un service internet sans possibilité pour leurs enfants de se connecter à ces sites sensibles. Quant aux enfants des parents mal informés, ils ne couraient plus aucun risque.

Tel est le sens de la présente proposition de loi qu’il vous est demandé d’adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

L’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, dans sa rédaction issue de l’article 4 de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° Après le cinquième alinéa du 7 du I, est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Pour des motifs tirés de la protection de l’enfance et de la jeunesse, l’autorité administrative notifie aux personnes mentionnées aux 1 du présent I les adresses électroniques des services de communication au public en ligne rendant accessibles des images à caractère pornographique. Ces personnes permettent l’accès à ces services uniquement à ceux de leurs abonnés qui en font expressément la demande. » ;

2° Au sixième alinéa du 7 du I, les mots : « de l’alinéa précédent » sont remplacés par les mots : « des deux alinéas précédents » ;

3° Au dernier alinéa du 7 du I, les mots : « et septième » sont remplacés par les mots : « , sixième et huitième ».


© Assemblée nationale