Partager
Energie et environnement
L'expert

Démantèlement nucléaire : "Rien ne s’est passé comme prévu"

Barbara Romagnan, députée PS du Doubs, a présenté ce matin à l’Assemblée nationale un rapport sur la faisabilité technique et financière du démantèlement des installations nucléaires.

réagir
Barbara Romagnan, députée PS

Démantèlement nucléaire: "Rien ne s’est passé comme prévu", pour Barbara Romagnan

AFP - Jean-Pierre Muller

Pourquoi réaliser aujourd’hui un rapport sur le démantèlement des centrales nucléaires ?

Parce que 80% du parc nucléaire français arrive à la fin de la durée d’exploitation initialement prévue, qui était de quarante ans. Et aussi parce qu’en 2015, a été votée une loi sur la transition énergétique et la croissance verte qui prévoit une réduction de 75% à 50% de la part d’énergie nucléaire dans la production d’électricité en France d’ici à 2025.

La filière française a-t-elle bien anticipé le démantèlement des centrales?

Non, que ce soit pour les neuf réacteurs les plus anciens qui sont tous à l’arrêt que pour le parc de 58 réacteurs qui a été construit entre 1977 et 1987 et qui fonctionne aujourd’hui. Pour le premier parc, rien ne s’est passé comme prévu. Surtout pour les six réacteurs au graphite-gaz. Le démantèlement devait se terminer en 2041. Mais en raison de difficultés techniques non résolues, EDF a indiqué qu’il reportait la fin de cette phase de démantèlement à 2100. Il aura donc fallu plus d’un siècle pour démanteler ces centrales. A ce jour, EDF n’a mené aucun démantèlement jusqu’à son terme.

Et qu’en est-il du démantèlement à venir des 58 réacteurs qui fonctionnent aujourd’hui?

Ce sont des réacteurs à eaux pressurisées et d’après ce que nous ont dit nos interlocuteurs, EDF devrait être techniquement en mesure de réaliser les travaux. Il y a cependant une difficulté, c’est que les centrales ayant été construites au même moment, leur démantèlement devrait intervenir au cours de la même période. D’où cette question: aura-t-on le personnel et le matériel et suffisants pour le faire? La faisabilité technique n’est donc pas entièrement assurée.

Avez-vous mesuré les charges financières du démantèlement?

Les charges de démantèlement sont vraisemblablement sous-évaluées et sous-provisionnées. EDF estime le démantèlement à 75,5 milliards d’euros, somme qui sera décaissée progressivement au fur et à mesure de la déconstruction des centrales. Quant aux provisions, elles s’élèvent à 36 milliards.

Les homologues électriciens d’EDF provisionnent tous davantage...

Oui. Ça s’explique en raison du parc standardisé d’EDF qui peut générer des économies d’échelle. Pour autant, les chiffres donnés par des pays comme les Etats-Unis et le Royaume-Uni peuvent être pris au sérieux car ils se basent sur des démantèlements effectivement réalisés. En outre, il y a en France des charges qui ne sont pas provisionnées. Il s’agit notamment  des taxes et des assurances, de l’évacuation du combustible usagé et de la remise en état des sols. A cela s’ajoutent des hypothèses optimistes d’EDF. Notamment un taux d’actualisation de 4,4% qui est le plus élevé d’Europe. Enfin, nous émettons des réserves sur la méthode de calcul du coût global appelée méthode de Dampierre 2009 qui consiste à prendre le coût d’un réacteur type  de 900 MW et de multiplier par 58 pour atteindre le montant global de 75,5 milliards. Cette méthode ne prend pas en compte l’historique de chacun des réacteurs, ni les nouvelles exigences en matière de sécurité liées à la catastrophe de Fukushima. 

Comment EDF compte s’y prendre pour financer le démantèlement de ses centrales?

La société parie sur un allongement de la durée de vie du parc nucléaire (de quarante à cinquante ans, voire soixante ans, NDLR). Cette stratégie permet d’étaler le démantèlement afin d’éviter l’effet falaise, qui oblige de tout faire de manière simultané. Ce pari nous semble surprenant et audacieux car EDF n’a pas reçu l’aval technique de l’Autorité de Sûreté Nucléaire pour la poursuite et le prolongement de ces centrales. Il est donc nécessaire de revoir cette stratégie de démantèlement. Car si EDF n’est pas en mesure de financer le démantèlement des centrales, il va falloir que l’Etat s’y substitue, c’est-à-dire le contribuable. Il faut donc s’interroger aussi sur le rôle de l’Etat actionnaire qui détient 85% d’EDF.

Commenter Commenter

Centre de préférence
de vos alertes infos

Vos préférences ont bien été enregistrées.

Si vous souhaitez modifier vos centres d'intérêt, vous pouvez à tout moment cliquer sur le lien Notifications, présent en pied de toutes les pages du site.

Vous vous êtes inscrit pour recevoir l’actualité en direct, qu’est-ce qui vous intéresse?

Je souhaite TOUT savoir de l’actualité et je veux recevoir chaque alerte

Je souhaite recevoir uniquement les alertes infos parmi les thématiques suivantes :

Entreprise
Politique
Économie
Automobile
Monde
Je ne souhaite plus recevoir de notifications